La légalisation du cannabis, même à des fins médicales, ne dissipera pas facilement un siècle d’« engouement pour un bon joint ».
« La stigmatisation est bien vivante », même pour le cannabis médical, affirme la professeure Lynda Balneaves, doyenne adjointe de la recherche au Collège des sciences infirmières de l’Université du Manitoba. « Les professionnels de la santé ne se sentent pas tous à l’aise d’en parler, et c’est souvent parce que cette substance est stigmatisée depuis 100 ans. La plupart des médecins, ainsi que les infirmières praticiennes — les deux groupes qui peuvent autoriser le cannabis médical au Canada —, ont reçu peu de formation ou d’éducation sur le cannabis. Nous commençons à constater ce changement, mais il s’agit d’un lent processus. »
Maintenant que le cannabis est légal au Canada, certaines personnes — dont la majorité des personnes qui ne s’intéressent pas au tabagisme — s’intéressent au potentiel médical des produits du cannabis comestibles, buvables ou sous forme topique. Mais par où commencer?
Mme Balneaves, qui mène des recherches sur le cannabis médical et non médical depuis plus de 15 ans, est directrice adjointe du Consortium canadien pour l’investigation des cannabinoïdes (CCIC) et experte en médecine complémentaire et intégrative.
« J’aime travailler en marge des soins de santé », dit-elle. « J’aime travailler avec des substances stigmatisées, essayer d’aider les gens à prendre des décisions sûres et éclairées et veiller à ce qu’ils soient traités de manière respectueuse par notre système de santé. »
Il est important, tout particulièrement pour les personnes âgées que le cannabis médical intrigue, de consulter d’abord un médecin « qui connaît bien votre état de santé actuel et vos médicaments [pour garantir qu’il n’y a pas] d’interactions potentielles avec vos médicaments ou avec vos problèmes de santé au quotidien ».
Elle sait qu’il peut être difficile d’obtenir des conseils médicaux éclairés sur le cannabis et conseille fermement aux gens de ne pas écouter « la famille et les amis bien intentionnés, les médias sociaux ou Internet ». Car cela, souligne-t-elle sèchement, n’est « pas nécessairement la marche à suivre la plus sûre ».
Les personnes que le sujet intéresse devraient commencer par demander à leur fournisseur de soins primaires ou à leur spécialiste s’ils sont prêts à discuter de la consommation du cannabis médical dans les boissons, les produits comestibles, les huiles ou les produits topiques qui contiennent du THC ou du CBD, ou les deux.
Cependant, les professionnels de la santé peuvent être réticents. Ils s’inquiètent des risques. « Ils sont inquiets pour leur sécurité et pour leur propre situation juridique médicale », dit Mme Balneaves.
Les professionnels de la santé veulent voir « la référence standard de l’essai clinique », et elle est rare, en raison d’une longue stigmatisation. Ce qui existe, c’est un corpus « de centaines d’années de personnes ayant utilisé du cannabis et les résultats qu’elles en ont retirés », y compris de nombreuses expériences récentes.
« Nous savons que beaucoup de personnes âgées l’utilisent pour des choses comme les douleurs arthritiques. Elles l’utilisent pour des problèmes de sommeil. Elles l’utilisent pour l’anxiété. Certaines personnes le trouvent également utile pour la dépression. » On l’utilise également pour aider à soulager les symptômes de la démence et de la maladie de Parkinson. Bon nombre de vétérans s’en servent pour atténuer avec les symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Une étude menée en 2021 par des chercheurs canadiens dans les domaines de la neuropsychopharmacologie, de la psychiatrie, de la pharmacologie et de l’économie a suivi plus de 4 600 aînés au Canada, dont la plupart consommaient de l’huile de cannabis topique contenant « seulement ou surtout » du CBD, l’élément non psychoactif du cannabis. La plupart des femmes participant à l’étude ont cité le soulagement de la douleur comme motivation, « alors que les affections oncologiques et neurologiques étaient plus fréquentes chez les hommes », ont écrit les auteurs de l’étude. « Les utilisateurs ont signalé une amélioration des symptômes de la douleur, du sommeil et de l’humeur lors du suivi après la consommation de cannabis. »
Les auteurs de l’étude ont déclaré qu’elle soulignait « le besoin d’effectuer des recherches pour déterminer les indications appropriées, les doses précises d’ingrédients actifs et les résultats à court et à long terme chez les personnes âgées ».
Pour évaluer si le cannabis médical pourrait fonctionner pour eux, les patients peuvent parler à leur médecin, précise Mme Balneaves. Toutefois, les patients devraient comprendre que, pour ce qui est de leur problème de santé, il peut y avoir « un produit pharmaceutique qui est assez sûr, et qu’il pourrait être préférable de l’essayer plutôt que d’opter pour des cannabinoïdes ».
Si le principal soignant d’un patient n’est pas à l’aise de parler de cannabis médical, le patient peut demander qu’on le recommande à un médecin, un spécialiste ou une infirmière praticienne qui l’est. Si on ne le recommande pas, le patient peut rechercher une clinique locale de cannabis médical agréée — tout en prenant des mesures pour s’assurer qu’il s’agit de soins qualifiés.
En tout premier lieu, Mme Balneaves mentionne que, « s’il s’agit d’une clinique de cannabis médical, on ne devrait pas y vendre du cannabis sur place. Comme elles sont souvent affiliées à l’industrie, il faut avoir cette conscience des conflits d’intérêts potentiels. »
Idéalement, dit-elle, « une clinique de cannabis médical devrait être dirigée par un médecin ou une infirmière praticienne ou, à tout le moins, par une infirmière autorisée qui a une formation poussée sur le cannabis ».
Une clinique devrait réclamer des antécédents médicaux détaillés. Le patient devrait se demander si la clinique est financée par une compagnie de cannabis et si elle reçoit des incitations financières pour vendre les produits d’une quelconque compagnie. Si une ordonnance est rédigée, il devrait s’agir d’une autorisation générique qui peut être utilisée avec n’importe quel fournisseur canadien de cannabis médical.
On peut également trouver des cliniques de cannabis médical en ligne. Et, même si Mme Balneaves affirme être « un peu hésitante » à leur sujet, « la plupart d’entre elles font des consultations en ligne. Il faut vous assurer qu’elles sont établies au Canada. »
Toute personne donnant des conseils devrait expliquer que, même si le cannabis « a un très bon profil d’innocuité par rapport à beaucoup de médicaments », il comporte des risques, surtout pour les personnes âgées.
Un dernier conseil : Bien que le cannabis soit légal au Canada et dans de nombreux États américains, il fait toujours l’objet de restrictions fédérales aux États-Unis, et les Canadiens ne devraient pas quitter le pays avec des produits du cannabis en leur possession.
Comparaison entre le THC et le CBD
Le cannabis renferme plus de 100 cannabinoïdes. Les plus pertinents sont le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) et le cannabidiol (CBD). Ils produisent des effets différents lorsqu’ils sont consommés.
THC : Substance psychoactive provoquant de l’euphorie et une intoxication. Selon Santé Canada, le THC a « des effets thérapeutiques et nocifs », et ces « effets nocifs peuvent être plus importants lorsque la teneur en THC est plus élevée ».
La quantité de THC contenue dans le cannabis séché est passée d’une moyenne de 3 % dans les années 1980 à 30 % aujourd’hui.
CBD : Substance non psychoactive ne produisant pas d’euphorie. On l’étudie pour des usages thérapeutiques. Même si on peut l’ingérer en fumant du cannabis, la plupart des sources de santé estiment que la méthode de posologie la plus sûre du CBD pour éviter d’ingérer des oligo-éléments du THC est l’huile de cannabis topique ou les produits comestibles.
La Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées met en garde contre le fait que les effets du cannabis peuvent augmenter avec l’âge et que les changements de proportion de graisse et de masse musculaire ralentissent la capacité de l’organisme à assimiler le cannabis. « Cela signifie que les effets peuvent être plus intenses et durer plus longtemps. »
La coalition recommande également de poser les questions suivantes à votre conseiller en santé :
Le cannabis peut-il être bénéfique pour ma maladie?
- Interagira-t-il avec mes médicaments?
- Y a-t-il des risques ou des effets secondaires?
- Quels sont les coûts, et mon assurance les couvrira-t-elle?
- Y a-t-il des activités que je devrais éviter après avoir pris du cannabis?
- Quel type et quelle quantité de cannabis me conviendraient le mieux?
L’ABC des produits
Santé Canada définit le cannabis comestible comment étant « une substance ou un mélange de substances contenant du cannabis qui est destiné à être consommé de la même manière qu’un aliment ».
Cannabis comestible : Ces produits varient par rapport à la quantité de THC ou de CBD qu’ils contiennent. La réglementation fédérale exige que toutes ces informations soient incluses sur l’emballage. Les types de cannabis comestible courants comprennent les aliments solides. Le terme « gommes » est le plus fréquent, mais il peut également s’agir de bonbons, de tablettes de chocolat ou de brownies, de biscuits et, parfois, de fruits secs. Au Québec, par exemple, on ne vend pas ces produits sous forme de gommes ou de chocolat.
Boissons : Habituellement dans des canettes ou des bouteilles. On ajoute des édulcorants à certaines.
Huiles et concentrés : Extraits directement du cannabis et ingérés par voie orale en petites quantités comme prescrit, habituellement à l’aide d’une seringue (sans aiguille).
Topiques pour usage externe : Lotions ou huiles destinées à être appliquées directement sur les articulations, la peau ou d’autres parties du corps.