Si Orson Welles réalisait aujourd’hui le film Citoyen Kane, son antihéros emblématique aurait-il un tatouage comportant l’inscription « Rosebud » (bouton de rose)?
Les tatouages sont plus populaires que jamais au Canada, alors que la stigmatisation qu’ils ont longtemps subie, à tort ou à raison, continue de s’estomper. Bien que des statistiques précises sur les personnes tatouées âgées de 60 ans et plus se font rares, tout semble indiquer que ce groupe d’âge se fait tatouer de plus en plus souvent, à l’image des générations plus jeunes.
Alors, à quoi ressemble l’expérience de se faire tatouer pour la première fois à 60 ans ou plus?
« Beaucoup de personnes [de plus de 60 ans] se font tatouer pour la première fois », affirme Glen Paradis, tatoueur et propriétaire du Barnstormer Studio à Ottawa, « et elles disent : “je mettais toujours cela sur la glace”. Lorsqu’elles réalisent que les tatouages sont en fait une bonne chose, maintenant que la stigmatisation s’est atténuée, elles se lancent à fond. »

M. Paradis explique que, en 24 ans à tatouer des personnes de tous âges, celles qui viennent le voir pour un premier tatouage plus tard dans la vie choisissent souvent quelque chose de sentimental.
« La plupart du temps, c’est en lien avec la famille. Il peut s’agir d’un jouet ou des prénoms d’un petit-enfant, rien de très gros, juste un joli petit souvenir à garder. »
Pour Lynn Doucette, la motivation était directement liée à ses 35 années passées dans les Forces armées canadiennes et à son désir, une fois à la retraite, de conserver un certain « lien » avec cette carrière. Comme un ami de la GRC avait un tatouage du drapeau canadien sur le dos, cela l’a inspirée à chercher un salon de tatouage local.
« J’allais avoir 60 ans et, pour souligner ma retraite, je me suis dit, peut-être un symbole militaire lié à l’Aviation royale canadienne (ARC) », raconte Mme Doucette, qui vit à Chilliwack, en Colombie-Britannique. « J’ai finalement choisi la cocarde de l’ARC, avec mon indicatif d’appel et mes années de service. »
Avant cela, elle « ne s’était jamais vraiment intéressée aux tatouages et n’y avait jamais pensé », ce qui peut surprendre venant d’une femme qui a été commandante d’équipage de mission sur un système aéroporté d'alerte et de contrôle durant la guerre du Golfe, et entourée de militaires tatoués. Aujourd’hui, elle a son propre tatouage sur son mollet et a réalisé, lors d’un voyage d’hiver au Mexique, à quel point il attirait l’attention.

« J’étais près de la piscine quand une femme m’a dit : “Oh, vous êtes Canadienne et faites partie de l’ARC.” C’est devenu un sujet de conversation. C’est plutôt génial, en fait. »
Les deux parents de Bonnie Densmore Geens, de Goderich, en Ontario, étaient décédés. Quand son mari est allé se faire tatouer de nouveau, elle l’a accompagné et, à 64 ans, s’est fait tatouer pour la toute première fois – un papillon sur l’épaule.
« Pour moi, un papillon représente la paix et l’amour venus d’en haut », explique Mme Densmore Geens, qui a pris sa retraite en 2005 de l’Agence du revenu du Canada. « Comme mon mari est décédé depuis, ce tatouage demeure un lien entre nous. »
Les filles de Louise Meloche lui ont offert son premier tatouage, à l’âge de 62 ans. Elle était alors à la retraite, après 14 ans en tant qu’adjointe de direction du sous-ministre d’Environnement Canada. « J’ai choisi un petit colibri pour souligner ma mère qui aimait les colibris. Ma mère est décédée depuis huit ans et ce colibri représente pour moi ma mère, une femme forte, courageuse. »

Mme Meloche craignait que l’aiguille de tatouage soit douloureuse, mais elle a découvert que « ça ne faisait pas mal. On sent bien l’aiguille, mais ce n’est pas si pire ».
Lynn Doucette décrit la sensation comme « une piqûre » qui est « terminée avant même qu’on ait le temps de dire aïe ». Elle explique avoir fait des recherches sur différents endroits, en évitant ceux qui ressemblaient à des « repaires de motards », jusqu’à ce qu’elle trouve un salon de tatouage « qui ressemblait à un spa » à Abbotsford, tout près. « J’ai fait beaucoup de recherches sur eux, je suis allée voir sur place, et je me suis sentie très à l’aise avec l’endroit et avec la fille que j’ai trouvée pour me tatouer. »
Le salon de M. Paradis a été conçu pour être lumineux et aéré, avec des murs tapissés d’œuvres originales issues des univers de la fantaisie, de la science-fiction et de la bande dessinée. « On voulait que ça ressemble d’abord à une galerie, plutôt qu’à un studio de tatouage. »
Mme Densmore Geens donne un conseil simple : « Faites des recherches sur l’artiste et appréciez le résultat. »
Totaux de tatouages
33 % : pourcentage total de Canadiens qui ont au moins un tatouage. Par tranche d’âge : milléniaux, 51 %; génération X, 43 %; génération Z, 35 %; bébé-boumeurs, 17 %.
Un ou cinq : Fait intéressant, les Canadiens tatoués sont plus susceptibles d’avoir un seul tatouage (31 %) ou cinq tatouages ou plus (28 %). Les chiffres sont nettement plus bas pour ceux qui ont deux, trois ou quatre tatouages.
4 % : pourcentage de Canadiens tatoués qui affirment : « Je suis fatigué de certains ou de tous mes tatouages et je les ferais enlever si je le pouvais », alors que 49 % déclarent aimer leurs tatouages et « vouloir les montrer à chaque occasion ».
27 % : Pourcentage de répondants qui disent que leurs tatouages sont « privés » et cachés « la plupart du temps ». Les bébé-boumeurs sont le groupe démographique le plus susceptible d’avoir des tatouages sur des parties moins visibles de leur corps.
(Sondage réalisé par Narrative Research et le Logit Group en mars 2024, auprès de 1 230 Canadiens âgés de 18 ans ou plus.)