Des fruits de mer iodés des provinces de l’Atlantique au gibier sauvage unique du Nord en passant par les poissons aux saveurs délicates des eaux de la Colombie-Britannique et le grenier des Prairies, la gastronomie du Canada est aussi diversifiée que ses habitants.
Et chaque bouchée vaut la peine d’être dégustée. « Un sujet de l’heure et délectable », a répondu Chris Johns, juge en chef des Championnats culinaires canadiens (CCC) et auteur de True North, A Taste of Prince Edward County et The Last Schmaltz, lorsqu’on lui a posé la question sur le sujet.
À ce titre, et dans notre ode patriotique continue au Canada, nous avons consulté des chefs et des experts culinaires de partout au pays, pour dresser un palmarès qui comprend un ingrédient vraiment spécial et représentatif par excellence du terroir de chaque province et territoire.
Yukon
Lorsqu’on lui a demandé de choisir un seul ingrédient yukonnais, Miche Genest, qui est retraitée fédérale, a lancé sans aucune hésitation : les canneberges naines. Chaque automne, les Yukonnais partent en pèlerinage de cueillette de ces petites baies acidulées d’un rouge vif. Utilisées dans les pains, les gâteaux, les sauces, les réductions pour le gibier, les chutneys, les confitures et les crêpes, elles sont adorées des chefs comme des non-chefs.
« Sortir cueillir des canneberges naines est une activité profondément ancrée dans la culture », souligne Mme Genest. « Tout le monde a son endroit préféré. »

Territoires du Nord-Ouest
M. Johns a passé les 10 premières années de sa vie aux Territoires du Nord-Ouest et l’un de ses premiers souvenirs a été de monter à bord d’un hydravion Twin Otter pour se rendre dans un lac éloigné pêcher l’omble chevalier. Après avoir sorti ces « véritables démons marins » des eaux nordiques, ils avaient fait un feu sur la plage, puis éviscéré, nettoyé et fileté les poissons. « C’est délicieux, super sain. Le goût se situe entre le saumon et la truite, mais il est riche. Pour moi, c’est un aliment très canadien », explique M.

Nunavut
Chef Inuk primée, Trudy Metcalfe-Coe sillonne le Nord pour des séjours culinaires, y compris à Qikiqtarjuaq, au Nunavut, cette année. Comme ingrédient, elle suggère l’akpik, comme on l’appelle dans son dialecte Inuk. Il s’agit d’une baie acidulée qui porte le nom de plaquebière, de chicoutai ou de mûre arctique à Terre-Neuve-et-Labrador.
« Les gens les mangent nature, ou on peut en faire des confitures, des coulis pour les desserts, des compotes ou des chutneys pour le gibier », précise Mme Metcalfe-Coe, qui compare leur couleur à celle des abricots secs. « On peut aussi en faire une garniture de tarte. Si elles sont mûres, on peut les apprêter avec bien peu, mais les fruits moins mûrs peuvent bénéficier de l’ajout d’un peu de sucre. »

Colombie-Britannique
Comme ingrédient pour la Colombie-Britannique, M. Johns sélectionne un produit de pêche relativement nouveau, le pouce-pied.
« Une grande partie du produit est encore expédiée [en Espagne], mais les restaurants du Canada et des États-Unis commencent à comprendre l’attrait de ces bizarres petites monstruosités, et à quel point elles sont délicieuses. » Il admet que, bien qu’il existe des règlements de sécurité stricts au Canada, une partie de l’engouement repose sur le fait que les pêcheurs « mettent leur vie en péril » pour les récolter.
M. Johns sert les pouce-pieds en toute simplicité : brièvement plongés dans de l’eau salée, puis dégustés avec un jet de citron. Ou pas.

Alberta
Doreen Prei, qui représentait Edmonton aux CCC, a nommé le farro, la plus ancienne céréale cultivée au monde, comme ingrédient spécial et emblématique de l’Alberta.
« C’est une question des plus difficiles », répond Mme Prei. « L’Alberta est une province vraiment remarquable, mais si je devais en choisir un seul aliment, ce serait le farro, parce qu’il est intéressant et extrêmement polyvalent. J’ai un tatouage de farro. »
Elle le cuit comme un risotto ou un gruau, en fait la base de salades copieuses et elle l’ajoute comme farine intrigante à la pâte à crêpes et à pizza. « Il est également bon pour le pain. »

Saskatchewan
Taszia Thakur, du Calories Restaurant, représentait sa province aux CCC. Elle a choisi les lentilles, parce que le Canada est le plus grand producteur et exportateur de lentilles au monde et que la Saskatchewan cultive environ 90 % du volume. Ses préférées sont les lentilles Béluga et du Puy.
Sur son menu, vous trouverez peut-être un « pilaf » de lentilles Béluga servi avec du canard farci, un magret de canard fumé avec des lentilles du Puy braisées et des lentilles croustillantes dans un plat de pâtes avec des têtes de violon, des morilles, des gnocchis et du beurre blanc à la ciboulette.

Manitoba
Mandel Hitzer, chef et propriétaire du restaurant Deer + Almond, qui se classe au 39e rang de la liste des 100 meilleurs restaurants du Canada, a nommé le doré jaune à dos vert émeraude, emblème de la culture de la cabane et de la pêche au Manitoba. Il qualifie ce poisson d’eau douce du Manitoba de « sacré ».
« C’est un style de vie », résume-t-il, tout en mentionnant que, lorsqu’ils vont pêcher, ils apportent une poêle en fonte, de l’huile, de la farine et de la bière. « Vous l’attrapez, le nettoyez, démarrez un petit feu et le faites frire dans de la pâte à bière. » Quand il joue « au chef », il coupe les branchies, les enfarine et les fait frire. « Vous mangez alors la partie la plus succulente du poisson et l’aileron prend la texture d’une croustille de pomme de terre », dit-il.

Ontario
L’ail des bois est l’un des ingrédients préférés « à jamais et pour la vie » de M. Johns. Également connu sous le nom d’ail sauvage, il doit être récolté avec respect, sinon il ne repoussera pas.
« C’est cette belle feuille souple et vert foncé avec un goût d’ail doux », décrit-il. « Vous pouvez en faire du pesto, le réduire en purée et l’ajouter à de la pâte pour pâtes, et les extrémités des bulbes marinées sont délicieuses. Vous pouvez également les ajouter à de la sauce pour pâtes. C’est un ingrédient très élégant et d’une couleur magnifique. »

Quebec
François-Emmanuel Nicol, chef au restaurant Tanière de Québec, et médaillé de bronze aux CCC, a choisi le crabe des neiges.
« Ce qui rend le crabe des neiges si spécial pour moi, c’est qu’il est l’un des premiers signes du printemps au Québec », explique M. Nicol. « Après un long hiver, l’arrivée du crabe des neiges est une raison pour bondir de joie. »
D’une « saveur douce, délicate et unique en son genre, il représente le début d’une nouvelle saison de possibilités culinaires ». M. Nicol le sert avec simplicité, et s’offre toujours un rituel printanier de crabe des neiges avec mayonnaise, baguette et verre de vin blanc sur le patio, en compagnie de sa mère.

Nouveau-Brunswick
Jordan Holden, chef de l’Atelier Tony de Moncton et médaillé d’argent aux CCC, retient les têtes de violon comme ingrédient du Nouveau-Brunswick.
« L’une de mes activités préférées est d’aller récolter », dit-il. « Aller chercher des ingrédients et les ramener dans ma cuisine rend un plat beaucoup plus intéressant. Les têtes de violon sont le premier signe que la saison de la cueillette a commencé. »
Pour préserver leur saveur délicate, il les apprête simplement, sautées au beurre, marinées, cuites à la vapeur, ajoutées à un plat de pâtes ou en soupe.

Nouvelle-Écosse
Heather Townsend, copropriétaire du restaurant Edna à Halifax, a proposé les huîtres de la Nouvelle-Écosse.
« Elles ont tendance à avoir une saveur plus iodée et plus complexe que les huîtres de l’Île-du-Prince-Édouard, avec un fini minéral marqué en bouche qui rappelle l’environnement rocheux et riche en nutriments dans lequel elles croissent », décrit-elle. « Elles semblent être une véritable expression du terroir, naturelles, sauvages et pleines de caractère. »
Le restaurant Edna les sert crues avec de la mignonnette, du citron et de la sauce piquante maison; frites avec un aïoli maison ou cuites avec de la crème au fromage taleggio, des poireaux frits et de l’ormeau (ou truffe des mers).

Île-du-Prince-Édouard
Comme il est un grand amateur de la recherche de nourriture, Michael Smith, célèbre chef et propriétaire de The Inn à Bay Fortune à l’Île-du-Prince-Édouard, a choisi le cresson sauvage.
« La cueillette nous fait vraiment communier avec les saisons et les microclimats de l’île », explique M. Smith. « Tous les jours, je récolte du cresson dans plusieurs ruisseaux locaux. »
Il dit que c’est la nourriture la plus densément nutritive au monde et il l’ajoute tous les soirs dans le saladier au menu du « Festin », un souper à plusieurs plats de l’auberge. Le cresson est « délicieux, frais et croustillant; il se conservera pendant des semaines en bouquet dans de l’eau au réfrigérateur ». Il l’aime apprêté dans une vinaigrette légère au citron et servi avec votre poisson préféré.

Terre-Neuve-et-Labrador
Le chef Nicholas Walters de la Merchant Tavern à St. John’s et représentant de la province aux CCC choisit la morue comme ingrédient spécial de Terre-Neuve.
« D’une belle saveur douce, la morue possède une texture feuilletée qui se prête bien à de nombreux plats », souligne M. Walters. « J’aime la poêler simplement avec du beurre brun, en terminant avec un bon beurre blanc. J’adore aussi comment elle se marie bien avec une sauce soubise classique à l’oignon. Traditionnellement, nous la faisons frire avec une pâte à bière croustillante et la servons avec de la sauce tartare. »
